Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 24 avril 2008

Blogème XXXIX

Ceux qui ne ressentent nulle crainte à rechercher la compagnie des enfants, c’est à peu de choses près qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Les jouets qu'ils tiennent dans les mains déjà tombent dans un autre monde.

mercredi, 23 avril 2008

Blogème XXXVIII

Un aphorisme résulte moins de l’expression de la vérité que d’une modalité particulière de l’attention à ce qu’il y avait au départ de plus informe en nous.

mardi, 22 avril 2008

Blogème XXXVII

Sans en être autrement fier, prends le temps de remarquer les changements qui s’opèrent en toi : les fines peaux qui se détachent, çà et là, de ton dos… les ongles et les cheveux qui poussent, poussent n’importe comment… et enfin ces douleurs articulaires qui ne sont après tout qu'une extension des fils de ton écheveau intérieur...

lundi, 21 avril 2008

Blogème XXXVI

Ne sois pas trop prompt toutefois à te dire modeste : il n’y a pas de quoi. Modeste, immodeste, deux versants de la même arrogance, de la même paresse, de la même crédulité.

dimanche, 20 avril 2008

Blogème XXXV

Bois sec, bois vert… se permettre d’élaguer, le plus bel éloge à ce qui s’écrit, parce que pour une fois la modestie n’y a nulle part...

Salon de coiffure

Tous les mois, nous allions chez le coiffeur qui vivait au château.
Il me juchait très haut, faisait la moue et se reculait
Avant de commencer à s’affairer avec ses ciseaux
Autour de mes oreilles aussi sensibles que des sonars. Mes peines
D’enfant s’envolaient à mesure que je devenais plus léger.
Un film en noir et blanc passait dans ma tête pendant qu’il cisaillait
Les mèches qui dépassaient au sommet de mon crâne.
Parfois un jeune homme apparaissait sur cet écran laissé vide
Puis s’estompait ainsi qu’une boussole incertaine
Disparaissant de l’ordre interprétable du monde sensible.
Peu à peu je sombrais dans le miroir où des poissons
Aux contours flous remuaient plus étrangement que des étoiles
Et, lorsque je parvenais à en sortir, je n’étais plus le même.

(1999)

Blogème XXXIV

Tu chemines et, cheminant, te vides lentement dans ton ombre qui se remplit de l’étrange mélasse de ton imagination.

samedi, 19 avril 2008

Blogème XXXIII

Cela n’a pas de sens d’opposer la littérature et la vie : l’une poursuit l’autre, se confond à elle à travers leurs communes illusions, et inversement celle-ci rentre sans discontinuité dans celle-là pour l’accomplir toute entière. L’une et l’autre toujours au centre de l’inconnu et nous échappant déjà plus loin devant…

vendredi, 18 avril 2008

Blogème XXXII

La lucidité absolue est le signe qui distingue du commun des mortels les parturientes et certains princes agonisants dont tout le monde tombe d’accord pour dire qu’ils ont été les pires despotes.

D’une esplanade printanière

Je sais qu’il pleut dehors et je vois que pépite
Sur la vitre un torrent si furieux qu’il désole
Un couple de bouvreuils apeurés qui débitent
Un rameau que le vent fait trembler et affole.

L’éclair s’est abattu sur un arbre si blanc
Qu’on croirait voir la neige osciller vers la vie…
Pourtant, il s’est enfui, cet hiver ; mais qu’un van
De ciel gis nous disperse en nuée - c’est la pluie !

Le dôme devenu vide et pur s’éclaircit,
La pâture verdit, explosant dans la joie.
Mais où sont nos chanteurs ? Une abeille a repris

Son labeur de commis, sans crainte d’être proie
À plus grand prédateur ; des fourmis acheminent
Le couple foudroyé ; ton verger s’illumine.

(1984)

Blogème XXXI

Ténèbres du verbe – lumière sauvage de la vie. Mais d'où alors vient cette force de recueillement que tu sens dans certains poèmes, mais seulement là, secrètement, comme une profonde mélodie, une basse continue, un ostinato qui avance les yeux grands ouverts entre la douleur du monde et la chute légère d'un chant ?

mercredi, 16 avril 2008

Bornéo, vie portuaire

à Nicolas Bouvier

Cri de mouettes, pleurs d’asticot
L’ardoise fendue geint sous le poids
De la nuit ; sur les gués, la racaille
Vend l’aïeule son pesant de coke.
Les pourvoyeurs de haschich disputent
À qui mieux mieux les prix sur la place.
Dans les narines, suints et sueurs.
Détrempés, des noctambules veillent
Le regard torve, les transactions.
Tout dépend, semble-t-il, d’un cargo
Retardé ; on redoute un naufrage.

(1987)

 

mardi, 15 avril 2008

Blogème XXIX

Tu fermes les yeux, t’accroupis sous la fenêtre, tout contre le mur rugueux, et maintenant seule t’importe la sensation de l’astre diurne sur le cou, le visage, cette caresse d'une main sur tes mains; te voici devenu lumière, oscillante chaleur, une paix laissée à son secret dans cette pliure immense... Quels mots ensuite pour dire comment l'expérience a eu lieu?

Blogème XXVIII

Prête l’oreille à l’effondrement de ta pensée en toi, n’aie nulle crainte de répéter souvent l’opération, car c’est le plus accablant mais certes aussi le plus profitable des apprentissages. Enroulé dans ce tissu défait, tu prends la forme de Lazare, traverses le linceul grisâtre, comme une suspension du temps aux confins de l’inachevé. Ta pensée te condamnant à retomber en toi-même sans possibilité d’en sortir, c’est une autre liberté qui naît de l’abandon, sans larmes ni fausse extase, la palpitation de la vie qui se renouvelle toujours, toujours.

lundi, 14 avril 2008

Ce qu'essentiellement nous sommes

Aujourd’hui, plus pressé que jamais, il n’a pas attendu
Ni le jour et son bruit d’ailes, ni les compagnons de toujours
Autre chose de loin l’appelait, comme un sommeil, qui sait ?
Le temps de traverser un peu de nuit, une eau qui court
Plus rapide que nous, plus ombre qu’ombre, cependant
Qu’un vent frais noue sa voix aux hymnes des âmes de passage.

(1998)

Séjour immobile

Mes amis, vers quel monde obscur vous en êtes-vous allés ?
Ici, un bruissement de feuilles autour des fûts nouveaux
Rappelle vaguement la distance impalpable qui nous sépare
À présent, tout nous manque, et l’ombre invente d’autres visages
Il y a ce peu d’air qui s’affole, distrait, quelques paroles léguées
Comme une offrande pâle à la lisière lumineuse du silence.

(1998)

Visions d'un paradis

On dit qu’ils ont là-bas les yeux moins lourds
Pour voir ce que jadis leurs yeux avaient refusé de voir :
Les brumes, et puis l’or rose des pétales sur les étangs
Formant sous le ciel encre autant de lettres dormantes
Une lune chinoise au-dessus des roseaux griffus
Qui participe au temps intime des plantes et des bêtes
Enfin, certaine rumeur ou chuchotis parmi les cerisiers
Sans fleurs, effilochés, mais en même temps pleins
Comme un vieil alphabet prenant substance dans la vie
Et des monstres peureux d’oubli que nul n’avait su prévoir.

(1996)

Blogème XXVII

Tes sensations sculptent un monde qui, à l'instant où tu réalises sa présence, a déjà changé d'état. Ta pensée se heurte à une pierre dressée qui n’existe que dans ton imagination. Chaque mouvement que tu effectues pour t'équilibrer te rend à sa toilette froide. Ce n’est pas la peine d’insister sur la valeur de ce qui a pu être enduré ni simplement vécu.

dimanche, 13 avril 2008

Les bulles vivantes

Herbe-à-chat sur les balcons
Oseille au sabot des frondaisons
Le temps d’un vol de gravelot
Point déjà un soleil de bière.
Le chat safran scrute à travers persiennes
Les confins d’un muret de pierre.
Sous le banc des noces ronfle
L’époux foudroyé par le pinot.

(1989)

Poème retrouvé

Je me suis dépouillé sans détours
Pour entendre la richesse de ta voix
Mais tu ne dis mot – prise de court
Le dieu t’emporte, murmure, à travers bois.

(1989)