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mardi, 15 mars 2016

L'engagement poétique vu comme une amitié

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Un grand merci à l'équipe de poesieromande.ch qui a effectué une enquête des plus intéressantes en posant à une quinzaine d’auteurs la question suivante :

- D’une manière ou d’une autre, votre poésie est-elle engagée ?

Une belle occasion de prendre position sur le sujet:

Depuis la publication d’Éoliennes, un livre poétique qui tourne presque exclusivement autour de la prise de conscience de l’impasse environnementale dans laquelle nous nous trouvons, on me pose souvent la question de mon engagement : est-il esthétique, politique, ou simplement citoyen ? Il me semble, évidemment, que c’est tout cela, en même temps. Mais la spécificité du poème est de chercher à incarner ce tout cela dans un langage qui lui soit propre (un chant) et qui sache toucher la sensibilité du lecteur.

On l’oublie trop souvent, le lecteur s’engage autant que le poète, lui qui pousse la générosité à consacrer quelques instants de sa vie pour aller voir de l’autre côté, en sa compagnie. Car le lecteur, à la fin de son expérience de lecture, n’est plus séparé du poète, mais relié en amitié avec les choses qu’ils ont effleurées ensemble, dans cette méditation du monde où se transcende notre commune humanité.

Ceci posé, je suis donc un poète engagé, et qui n’a pas honte de le dire. Mais parce que nous sommes si entiers dans notre action, l’engagement peut vite se transformer en bannière, en raison de vivre, en assujettissement. Alors, pour rester engagé, d’une certaine manière, il faut accepter de se désengager. Comment ? Peut-être en choisissant de demeurer sur cette rive, au plus bas des mots, parmi mes semblables, simple témoin, rien de plus. Poésie d’observation, éventuellement consignement d’une vie psychique – la mienne, la seule qui me soit accessible et à laquelle je puisse me référer sans mentir – voilà des termes dans lesquels je peux me reconnaître.

Si le poète veut descendre dans le profond, il est lourd et se noie. Il perd l’amitié de son lecteur. Il perd ce qu’il a de plus précieux. C’est le superficiel qui nous trouble peut-être le plus. Mon engagement, au fond, a le nom de légèreté. On a le droit de flotter. Car c’est à la surface de ces eaux que nous serons amis, le lecteur et moi. À qui faire ces confidences et ces réflexions, si ce n’est à un ami ? Je n’écris pas pour polémiquer ou par goût d’une supériorité quelconque ou pour le désir vain de me survivre. J’écris pour rendre témoignage de ce que j’ai vécu, de ce que d’autres ont pu vivre et vivront sans doute après moi.

Éoliennes, qui est peut-être celui de mes livres auquel je tiens le plus, tourne intégralement autour de l’idée que tout est lié, cyclique, fluide comme le vent qui peut tantôt faire virevolter les éoliennes, tantôt disséminer un nuage radioactif – il contient entre autres le journal d’un voyage humanitaire à Tchernobyl. Il nous faut être orientés, sinon nous sommes désorientés. Ami, fais-moi confiance cette fois encore. Regarder et voir, ce n’est pas la même chose. Harmonieux ou non, accordé ou non, l’engagement du poète n’est rien d’autre qu’un appel à l’éveil, ou si l’on préfère, le sens d’un sérieux, d’une responsabilité, d’une désinvolture considérée par un certain biais.

F.R.

Lisez les réponses des poètes romands en allant jeter un coup d'oeil sur: Poesieromande.ch

Commentaires

Merci.

Écrit par : Mathias | mercredi, 23 mars 2016

Très belle prise de position, cher poète! Encore merci pour ces mots qui nous font du bien et qui donnent à nouveau envie de lire de la poésie

Écrit par : Patrice C. | dimanche, 03 avril 2016

Les commentaires sont fermés.