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mardi, 21 avril 2009

Requiem dans la neige

Sous les saules noirs c’est la saison la plus rude
Sans ivresse ni feux ; un pont enjambe l’eau
Vers le maquis pelé des rameaux d’ifs jaunâtres
Enfourés de satin comme des arcs médiques.
 
Sous son corsage blanc, la terre est frissonnante
Dans les pins assoupis languissent des géants
Voilés de crêpes bleus - ils attendent au bord
Des routes leur messie, le doux soleil de mai.
 
Leur bois se fait poreux, et tordu leur branchage
On va les détailler en planches, en copeaux
Disposition des dieux municipaux : ils gênent
 
Les graves promeneurs des dimanches bâlois.
Vénérables sépulcres ! Apaiser ces mourants
Voilà le seul office incombant au poète.

(1988)

lundi, 13 octobre 2008

Dit du silencieux

Croissance du peuplier posé seul sur la plaine.
J’habite les bois du cerf, vigne rousse des pas.
La lumière épure juin, et toute fleur précaire
La pluie embrasse janvier, qui est-ce, sinon moi ?

Je ne sais de complaisant que les draps de l’automne.
La rame du ciel balaie les lampions des maisons
De loin je singe des mains un signal inutile.
Croissance du peuplier posé seul sur la plaine.

Autant dénouer l’amour, trésor sous la racine
Autant jeter à la flamme la feuille vineuse
De tabac séchée au vent : devenir ce brasier.
Je ne sais de complaisant que les draps de l’automne.

Trébucher jour après nuit dans l’espace des brumes.
Toucher de si près le merle accroché à la ramille
J’habite les bois du cerf, vigne rousse des pas
Mon vin ainsi que ma chasse arpentent les saisons.

J’ai recueilli du regard la digitale bleue
Proie facile d’un torrent, qui est-ce, sinon moi ?
J’ai foulé les horizons roses de ma cité :
Autant jeter à la flamme la feuille vineuse

J’ai grandi, tenant au poing la mauve du silence.

(1985)


Extrait de "Kiosque à chimères", lien de vente sur le site des  Éditions l'Âge d'homme

vendredi, 26 septembre 2008

Divagations au sortir des faubourgs

Un jour que nous longions, un vieil ami et moi
Les berges nues de l’Aare, écoutant d’une oreille
Distraite le plain-chant d’une bergeronnette
Je me dis que le ciel était bien vert ce soir.

Moins en tout cas que nous, sur ce globe citrique
À tenter le grand branle à coups de défoliants
Détrousser les dieux, les mages, les prophètes
Pour fini comme un frai dans la mare aux canards.

Le chœur furieux des geais faisait une chapelle
Un merle dépiautait son ver dans la rosée
Ainsi philosophait le monde au crépuscule

En nous l’acquiescement se nouait sans partage
J’étais cette saison, ce visage émacié
À l’air flûté des jours courant par nos artères.

(1987)

vendredi, 18 avril 2008

D’une esplanade printanière

Je sais qu’il pleut dehors et je vois que pépite
Sur la vitre un torrent si furieux qu’il désole
Un couple de bouvreuils apeurés qui débitent
Un rameau que le vent fait trembler et affole.

L’éclair s’est abattu sur un arbre si blanc
Qu’on croirait voir la neige osciller vers la vie…
Pourtant, il s’est enfui, cet hiver ; mais qu’un van
De ciel gis nous disperse en nuée - c’est la pluie !

Le dôme devenu vide et pur s’éclaircit,
La pâture verdit, explosant dans la joie.
Mais où sont nos chanteurs ? Une abeille a repris

Son labeur de commis, sans crainte d’être proie
À plus grand prédateur ; des fourmis acheminent
Le couple foudroyé ; ton verger s’illumine.

(1984)

mercredi, 16 avril 2008

À l'automne les roses

Des massifs de roses bariolent ciel et terre
Le soleil papillote au-dessus des maisons
Longeant d’un pied léger la courbure de l’eau
Le temps roule et nous porte et puis creuse son lit.

La fleur n’a qu’un printemps pour celer son fourreau
Mais nous, nul ne voudrait céder à la froidure
Un seul jour ; il faudra bien, pourtant, dire adieu
À sa femme, aux amis, à Bach et à Verlaine.

Les départs, vois-tu, c’est cette fiévreuse sève
Que nul ne soupçonnait – pas même le loriot
Ni l’enfant qui jouait au fond de la remise.

Entends-tu l’épinette, au loin, entre les haies
Les mots de la tribu ont accompli leur œuvre
Tandis que se vêtaient de taffetas les roses.

(1985)

Bornéo, vie portuaire

à Nicolas Bouvier

Cri de mouettes, pleurs d’asticot
L’ardoise fendue geint sous le poids
De la nuit ; sur les gués, la racaille
Vend l’aïeule son pesant de coke.
Les pourvoyeurs de haschich disputent
À qui mieux mieux les prix sur la place.
Dans les narines, suints et sueurs.
Détrempés, des noctambules veillent
Le regard torve, les transactions.
Tout dépend, semble-t-il, d’un cargo
Retardé ; on redoute un naufrage.

(1987)

 

dimanche, 13 avril 2008

Les bulles vivantes

Herbe-à-chat sur les balcons
Oseille au sabot des frondaisons
Le temps d’un vol de gravelot
Point déjà un soleil de bière.
Le chat safran scrute à travers persiennes
Les confins d’un muret de pierre.
Sous le banc des noces ronfle
L’époux foudroyé par le pinot.

(1989)

Poème retrouvé

Je me suis dépouillé sans détours
Pour entendre la richesse de ta voix
Mais tu ne dis mot – prise de court
Le dieu t’emporte, murmure, à travers bois.

(1989)