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jeudi, 04 décembre 2008

Attraper l’énergie du monde

 

 

Entretien avec Nicolas Bertholet, artiste plasticien

 

 

 

pour web - 13.jpgFerenc Rákóczy – Vous revenez de Boston et vous avez décidé d’exposer vos grands et moyens formats à la Galerie du Tilleul à Champtauroz (Suisse, canton de Vaud), du 6 au 21 décembre 2008. Parlez-nous de la genèse de ces toiles.

 

Nicolas Bertholet – C’est peut-être un peu trivial, mais la question des formats est uniquement d’ordre logistique. Par manque de place, à Boston, j’ai travaillé sur toiles non montées. J’ai pu, dans un espace plus petit, travailler sur des formats beaucoup plus grands (au point que certaines peintures ont été effectuées par segments, roulant et déroulant les rouleaux de toile sur le sol). Le fait d’avoir moins de place m’a paradoxalement permis de passer à des formats plus conséquents. En effet, à cause de l’exiguïté des lieux, je n’aurais pas pu stocker des toiles de moyen format montées. J’ai donc opté pour des toiles non montées et les formats ont « grandi » d’eux-mêmes (c’est un peu ce dont je rêvais aussi, mais bon…). Pour ce qui est des motifs, certains pointaient déjà derrière les carrés et les rectangles. Le rectangle, c’est tout de même beaucoup plus rassurant. L’explosion de ce cadre s’est faite petit à petit, peut-être aussi grâce à l’éloignement géographique et au « retour à la caverne » qu’a pu être Boston dans les premiers mois.

F.R. – Oui, ce quasi abandon du rectangle qui vous définissait jusqu’ici est tout à fait surprenant... Il y a aussi un glissement vers quelque chose d’hiéroglyphique et, en même temps, une délivrance, un élan vers le mal léché, le tremblé, le précaire. Tous ces aspects témoignent, me semble-t-il, de la volonté d’un retour au geste primitif.

 

N.B. – C’est lorsque je ne réfléchis plus que j’ai l’impression que ces « hiéroglyphes » tiennent et ont une énergie suffisante. Cela ne va pourtant pas de soi. Je tiens des carnets où je dessine (un peu compulsivement) les formes qui m’intéressent jusqu’à être en mesure de ne plus penser lorsque je les pose sur la toile. Un peu comme le dit un percussionniste avec qui Sylvie Bourban, mon épouse, a travaillé : « Si tu dois penser à ce que tu fais, tu laisses passer le moment (c’est un peu ce que j’ai pu vivre avec les claquettes). Tu dois pouvoir être en mesure de faire les choses sans vraiment penser à CE que tu fais. Il faut être à un niveau différent. » Plus dans la perception globale, contextuelle, que dans le geste lui-même… Si tu es obligé de réfléchir, tu n’es jamais dans l’instant présent, tu ne fais que le suivre avec un temps de retard). Ces hiéroglyphes sont également une tentative d’accéder à un monde mouvant. Une espèce de poétique de l’abstraction (même si elle finit par tendre vers la figuration). Un peu comme le développement d’une signalétique, d’un langage symbolique propre. L’avantage des symboles, c’est qu’ils détiennent à la fois une force graphique et une force sémantique. Le langage symbolique me semble moins attaché à une temporalité. Pas besoin d’ordonner l’histoire comme dans une bande dessinée.

 

F.R. – Le temps, le rythme sont des notions qui paraissent revêtir une grande importance à vos yeux. Pourrait-on dire, à cet égard, que vous traduisez une problématique très contemporaine, celle de l’accélération de la vie, aussi bien réelle que fantasmatique (comme c’est le cas dans le jeu vidéo, par exemple, ou encore dans le monde de l’art), avec les énormes transbordements énergétiques que cela suppose. Comment vous situez-vous par rapport à ce qui se fait aujourd’hui ? Quelles ont été vos influences ?

 

N.B. – Il y a d’abord mon amour de la musique, le jazz, le free jazz, les successions de rythmes, etc. Plus que l’accélération, j’ai l’impression que c’est le bombardement incessant d’informations qui me fascine. Dans une ville comme New York, l’information est constante. Il y a une surenchère de messages, aucune gradation, aucune indication quant à la valeur même de ces messages. Juste un flux (flot ?) constant. Je trouve cela absolument fascinant. New York est un endroit incroyable. Une sorte de jungle visuelle complètement anarchique, désordonnée, parfois ultra agressive, rapide, fulgurante. Je n’ai pas l’impression de faire de la peinture « d’aujourd’hui ». J’ai les influences de quelqu’un qui a vécu son adolescence avec Lichtenstein et Basquiat (et l’explosion visuelle qu’ils représentent), tout en étant culturellement beaucoup plus proche de Rothko et Twombly (la culture gréco-latine, la « vieille Europe »). Les gens que j’aime actuellement sont finalement assez éloignés de ce que je fais (mis à part Twombly, quoi qu’il appartienne à une autre génération) : Opie (fascination pour l’efficacité dans le signe, la clarté, la force visuelle), Viola (mais il reste extrêmement classique… ou du moins très influencé par un certain classicisme), la dernière installation de Pipilotti Rist au Moma, Olafur Eliasson, ou encore certains artistes japonais tels que Misaki Kawai, pour le côté ludique et ironique. Mark Dion pour la mise en abîme des cabinets de curiosité. Richter pour la capacité de mener de front de multiples genres. Parmi les gens de la génération précédente, ce serait plutôt l’expressionnisme abstrait, Rothko, Kline, etc. Et encore Giacometti, les oiseaux de Braque. Puis Sisley, pour la neige…

 

F.R. – Un des dénominateurs communs de tous ces noms que vous mettez en avant me semble être la notion de perfectibilité. Ce sont des artistes qui ont cherché en permanence à dépasser le point où ils se trouvaient. Cela leur a permis en tout cas de garder une certaine sensibilité, sensibilité qui a toujours été l’élément moteur et la force d’attraction de l’oeuvre plastique, permettant tantôt un réconfort, tantôt un malaise, et donc une communication. Ce sont des œuvres qui, en raison de leurs propriétés émollientes, ne laissent pas le spectateur seul avec lui-même. L’art ne serait-il au bout du compte qu’un moyen parmi d’autres de sortir de la solitude ?

 

N.B. – J’aime le fait qu’une œuvre puisse raconter une histoire, qu’il y ait une interaction entre le spectateur et l’œuvre, qu’il y ait en quelque sorte un « produit » de cette interaction. De telles œuvres me touchent. Faire partie d’un autre monde pendant un instant… J’espère que ce que je fais permet cela parfois. J’aime l’idée qu’il y ait là une expérience très privée, totalement hors du contrôle de l’artiste. Ce que j’apprécie aussi chez ces artistes et dans leur œuvre, c’est la possibilité de multiples lectures, de nouvelles découvertes à chaque nouveau visionnement… mais aussi leur force visuelle… la recherche d’une forme d’absolu « visuel » chacun dans leur propre univers (Twombly et Opie, par exemple, dont on voit mal ce qu’ils pourraient bien faire dans la même phrase). À y repenser, ces artistes ont aussi en commun l’épure visuelle. Tenter de réduire l’œuvre uniquement à ce qui est strictement nécessaire graphiquement… Je voudrais avoir cette sobriété.

 

F.R. – Par rapport à ce que vous peigniez il y deux ans en Suisse, on peut dire que votre manière d’approcher tant la couleur que la ligne a subi une révolution qui a chamboulé de fond en comble votre travail de plasticien. Quelle incidence votre séjour américain a-t-il eu sur vous ?

 

N.B. – L’impact a probablement eu lieu à plusieurs niveaux. Les premiers mois ont été une période d’isolement assez éprouvante (adaptation, difficultés de communication, etc.). L’urgence de peindre était alors la plus forte. Avant tout, l’isolement signifiait que personne ne regardait vraiment ce que je faisais. Un sentiment de liberté un peu général s’en est suivi. Notre vie ressemblait beaucoup à une page blanche. Avec l’opportunité de nous réinventer. Cela, bien sûr, a eu un impact important sur la façon dont nous vivions. En Suisse, j’ai laissé un atelier de plus de cinquante mètres carrés, quatre mètres de plafond, un ancien local industriel. Boston, c’était un salon-cuisine et une chambre à coucher pour deux (avec deux chats). J’ai dû modifier mes habitudes (peindre à plat, séchage rapide, travailler plus proprement). Et puis il y a l’énergie US. L’imagerie américaine. New York et la présence beaucoup plus forte qu’à Lausanne de l’art contemporain, les musées, les galeries, etc. Et la chance encore d’avoir eu accès, par mon épouse, au monde de la musique et aux rencontres que nous avons pu y effectuer. Mon univers musical s’en est beaucoup élargi et, par extension, mon monde pictural (curieux que ça aille dans ce sens...).

 

F.R. – Les premiers peintres de l’abstraction étaient eux aussi proches du monde de la musique qui avait dans leur conception la valeur d’une remontée aux origines. Il y a presque toujours dans l’oeuvre non figurative une sorte de dilatation, une immédiateté, une amplification lancinante de l’être qu’elle rejoint dans l’ici et maintenant…

 

N.B. – Oui. Une peinture, c’est un bout d’univers. Et l’univers tient mal sur la table du salon. J’aime que la toile soit plus grande que moi. Le rapport physique est alors complètement changé. Avec certaines toiles faites à Boston, et qui couvraient grosso modo la surface que nous avions de disponible au sol, c’était véritablement être dans la toile. Peindre une partie de la toile tout en étant assis dessus... Pas d’espace pour être ailleurs que dedans...

 

F.R. – Le spectateur est lui aussi prisonnier de cet espace illimité de la toile : impossible de se soustraire à l’effet qu’elle produit. C’est un peu agaçant… On sent là une violence à peine contenue, un appel et, en même temps, parfois, une extrême fragilité, une douceur presque ; comment arrivez-vous à concilier de tels extrêmes ?

 

N.B. – Je ne sais pas... oui, il y a de la violence... probablement plutôt de l’urgence en fait... quelque chose comme le besoin de libérer le geste, de se laisser envahir... Je travaille souvent très vite. Il y a finalement passablement de déchets. Et chaque toile est un peu bâtie sur le fil du rasoir.

 

F.R. – Cette rapidité du geste est-elle une façon pour vous d’échapper à un certain côté consensuel ?

 

N.B. – Je n’ai pas l’impression de ne pas être consensuel. J’aimerais beaucoup être moins consensuel que ça ! Se libérer est si difficile...

Vous pouvez visionner des images sur le site officiel de Nicolas Bertholet

dimanche, 23 novembre 2008

Peter Handke (1942)

« La littérature est le royaume du centre: le royaume de la justice. »

L'histoire du crayon

mardi, 21 octobre 2008

Blogème LXXXIV

Une liberté étourdie d'elle-même n'est déjà plus la liberté.

lundi, 13 octobre 2008

Dit du silencieux

Croissance du peuplier posé seul sur la plaine.
J’habite les bois du cerf, vigne rousse des pas.
La lumière épure juin, et toute fleur précaire
La pluie embrasse janvier, qui est-ce, sinon moi ?

Je ne sais de complaisant que les draps de l’automne.
La rame du ciel balaie les lampions des maisons
De loin je singe des mains un signal inutile.
Croissance du peuplier posé seul sur la plaine.

Autant dénouer l’amour, trésor sous la racine
Autant jeter à la flamme la feuille vineuse
De tabac séchée au vent : devenir ce brasier.
Je ne sais de complaisant que les draps de l’automne.

Trébucher jour après nuit dans l’espace des brumes.
Toucher de si près le merle accroché à la ramille
J’habite les bois du cerf, vigne rousse des pas
Mon vin ainsi que ma chasse arpentent les saisons.

J’ai recueilli du regard la digitale bleue
Proie facile d’un torrent, qui est-ce, sinon moi ?
J’ai foulé les horizons roses de ma cité :
Autant jeter à la flamme la feuille vineuse

J’ai grandi, tenant au poing la mauve du silence.

(1985)


Extrait de "Kiosque à chimères", lien de vente sur le site des  Éditions l'Âge d'homme

jeudi, 02 octobre 2008

Paul Valéry (1871-1945)

« Toute chose qui est, si elle n'était, serait énormément improbable. »

Mauvaises pensées et autre

vendredi, 26 septembre 2008

Divagations au sortir des faubourgs

Un jour que nous longions, un vieil ami et moi
Les berges nues de l’Aare, écoutant d’une oreille
Distraite le plain-chant d’une bergeronnette
Je me dis que le ciel était bien vert ce soir.

Moins en tout cas que nous, sur ce globe citrique
À tenter le grand branle à coups de défoliants
Détrousser les dieux, les mages, les prophètes
Pour fini comme un frai dans la mare aux canards.

Le chœur furieux des geais faisait une chapelle
Un merle dépiautait son ver dans la rosée
Ainsi philosophait le monde au crépuscule

En nous l’acquiescement se nouait sans partage
J’étais cette saison, ce visage émacié
À l’air flûté des jours courant par nos artères.

(1987)

mardi, 16 septembre 2008

Jean Paulhan (1884-1968)

« Tout a été dit. Sans doute. Si les mots n'avaient changé de sens; et les sens de mots. »

Clef de la poésie

 

vendredi, 05 septembre 2008

Anonyme (?)

« Les huîtres, comme les hostilités, sont ouvertes. »

mardi, 02 septembre 2008

Blogème LXXXIII

Quelle est donc sa valeur d'homme, à celui qui n'a pas au moins l'obole d'un petit secret à garder ?

dimanche, 31 août 2008

Blogème LXXXII

Marie-toi avec l'infini, épouse un cactus.

samedi, 23 août 2008

Blogème LXXXI

De rencontre en rencontre, on répète l’autre, jamais le même. Et chaque fois, l’expérience précédente s’avère l’esquisse de celle qui viendra juste après, et ainsi de suite jusqu’à ce que le tableau soit achevé...

vendredi, 22 août 2008

Edgar Morin (1921)

« L'achèvement d'une oeuvre complexe doit non dissimuler son inachèvement, mais le révéler. »

Éduquer pour l'ère planétaire


jeudi, 21 août 2008

Blogème LXXX

Sous ces ciels qu’on dit de traîne, il y a des signes qui ne trompent pas quand résonnent les coups de heurtoir de l’orage. Le répertoire de notre rêverie s’amenuise comme le fil de l’araignée, le hasard ignore la trame de nos dessins et le cercle ne s’ouvrira que pour quelques initiés. Ainsi Cronos aux paupières gonflées dévore-t-il ses enfants à la sortie du labyrinthe. C’est un sage, un vrai.

lundi, 18 août 2008

Blogème LXXIX

Quelle est la vocation la plus haute, la plus exigeante ? Peut-être d’aspirer à faire éclore autour de soi un bourgeon d’espoir. Un espoir tout frais, tout nu, blanc comme une naissance d’aube…

jeudi, 07 août 2008

Acte de foi

Assis au bord du vide immense, j’étais pétrifié.
En dessous, le grand damier des champs, des lacs et des forêts
Se décomposait à chaque fois que l’avion virait sur son aile
Une pure abstraction que le pilote retouchait de son pinceau
Pour ceux (si nombreux) qui ne posent pas de questions
Et tolèrent de vivre dans ce par-delà irrationnel et sans frontières.
Fusillade d’air. Les mains exsangues de mon coéquipier tremblaient.
Une phrase, glanée allez savoir où, me revenait sans cesse :
« La charge de l’atmosphère est de nature plutonienne. »
L’oreille tendue vers des bribes de voix en gravitation libre
J’essayais de me rappeler les gestes que le moniteur
Nous avait enseignés après nous avoir montré comment plier le parachute.
Mais rien ne venait. J’ai fermé les yeux et pensé à toi
Pour glisser dans l’immensité du froid, vers la vérité de nulle part.
Quelques fragments d’éternité plus tard, dans un fracas terrifiant
Le nénuphar de toile me suspendait net au milieu de ma chute.
Solitude – jamais je ne t’aurai vue si démesurée.

lundi, 04 août 2008

Poids des mots

I.

L’année où nous l’avons le mieux connue, c’est-à-dire
Celle de son chemin de croix, ma grand-mère vivait
Au milieu d’un jardin d’hiver, d’une serre imprévisible
De souvenirs, parmi lesquels surnageaient, çà et là, quelques regrets.
Celui, par exemple, le jour où la sage-femme lui avait dit :
« Madame, voyons ! retenez-vous, les bébés ne sont pas des jouets. »
De s’être défendue de la jeter dehors avec son baluchon d’animosités.
Les yeux remplis du bruit des vagues enthousiastes de nos royaumes
Elle lisait comme jamais : et cela se continuait dans ses pensées
Sans parler des oiseaux argentés qui s’envolaient hors de son sommeil.


II.

Pour elle, les mots se détachaient plus aisément des choses
Enfantant leurs propres voies, comme si d’avoir été usés
Ils s’étaient trouvé un habit neuf dans le vestiaire de la mémoire.
En attendant son heure qui n’arrivait pas
Elle tricotait des chaussons pour ses futurs arrière-petits-enfants
(Qu’on me pardonne : il s’agit là, bien sûr, d’une simple anecdote.)
Sa vie remontait comme un plongeur au bord de la jetée.
Elle parlait aussi de correspondances de guerre
De l’eau qu’on tire à la pompe, le soir, avec les carpes vernissées
Qui se mettent à dialoguer avec les ombres d’étoiles
Et de sensations inquiétantes attachées aux aubes élémentaires.
Elle se disait une pirogue tirée à sec sur les criques de la mer nocturne.
Alors, mais de très loin, elle évoquait cet amoureux (Jean) qui s’était morfondu
Trente-six jours – rien moins – devant l’autel du Saint-Sacrement
Étranger à tout ce qui n’était pas elle, avant de tenter de se donner la mort
D’une balle dans la cavité buccale – projectile ressorti par l’œil droit
Sans même égratigner le cerveau (mais là encore…)
Bref, il y a parfois un ange gardien pour vous chuchoter à l’oreille.
À ce point du récit, un sourire gracieux affleurait sur ses lèvres.

(2005)

mercredi, 30 juillet 2008

Proverbe bulgare

« On ne va pas en enfer pour allumer sa cigarette. »

mardi, 29 juillet 2008

Proverbe chinois

« Un bon chef de famille, c'est celui qui se montre un peu sourd. »

lundi, 28 juillet 2008

Proverbe espagnol

« Je pensais faire un signe de croix et je me suis crevé l'oeil. »

dimanche, 27 juillet 2008

Proverbe africain

« L'espoir est le pilier du monde. »