Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 16 avril 2008

Bornéo, vie portuaire

à Nicolas Bouvier

Cri de mouettes, pleurs d’asticot
L’ardoise fendue geint sous le poids
De la nuit ; sur les gués, la racaille
Vend l’aïeule son pesant de coke.
Les pourvoyeurs de haschich disputent
À qui mieux mieux les prix sur la place.
Dans les narines, suints et sueurs.
Détrempés, des noctambules veillent
Le regard torve, les transactions.
Tout dépend, semble-t-il, d’un cargo
Retardé ; on redoute un naufrage.

(1987)

 

mardi, 15 avril 2008

Blogème XXIX

Tu fermes les yeux, t’accroupis sous la fenêtre, tout contre le mur rugueux, et maintenant seule t’importe la sensation de l’astre diurne sur le cou, le visage, cette caresse d'une main sur tes mains; te voici devenu lumière, oscillante chaleur, une paix laissée à son secret dans cette pliure immense... Quels mots ensuite pour dire comment l'expérience a eu lieu?

Blogème XXVIII

Prête l’oreille à l’effondrement de ta pensée en toi, n’aie nulle crainte de répéter souvent l’opération, car c’est le plus accablant mais certes aussi le plus profitable des apprentissages. Enroulé dans ce tissu défait, tu prends la forme de Lazare, traverses le linceul grisâtre, comme une suspension du temps aux confins de l’inachevé. Ta pensée te condamnant à retomber en toi-même sans possibilité d’en sortir, c’est une autre liberté qui naît de l’abandon, sans larmes ni fausse extase, la palpitation de la vie qui se renouvelle toujours, toujours.

lundi, 14 avril 2008

Ce qu'essentiellement nous sommes

Aujourd’hui, plus pressé que jamais, il n’a pas attendu
Ni le jour et son bruit d’ailes, ni les compagnons de toujours
Autre chose de loin l’appelait, comme un sommeil, qui sait ?
Le temps de traverser un peu de nuit, une eau qui court
Plus rapide que nous, plus ombre qu’ombre, cependant
Qu’un vent frais noue sa voix aux hymnes des âmes de passage.

(1998)

Séjour immobile

Mes amis, vers quel monde obscur vous en êtes-vous allés ?
Ici, un bruissement de feuilles autour des fûts nouveaux
Rappelle vaguement la distance impalpable qui nous sépare
À présent, tout nous manque, et l’ombre invente d’autres visages
Il y a ce peu d’air qui s’affole, distrait, quelques paroles léguées
Comme une offrande pâle à la lisière lumineuse du silence.

(1998)

Visions d'un paradis

On dit qu’ils ont là-bas les yeux moins lourds
Pour voir ce que jadis leurs yeux avaient refusé de voir :
Les brumes, et puis l’or rose des pétales sur les étangs
Formant sous le ciel encre autant de lettres dormantes
Une lune chinoise au-dessus des roseaux griffus
Qui participe au temps intime des plantes et des bêtes
Enfin, certaine rumeur ou chuchotis parmi les cerisiers
Sans fleurs, effilochés, mais en même temps pleins
Comme un vieil alphabet prenant substance dans la vie
Et des monstres peureux d’oubli que nul n’avait su prévoir.

(1996)

Blogème XXVII

Tes sensations sculptent un monde qui, à l'instant où tu réalises sa présence, a déjà changé d'état. Ta pensée se heurte à une pierre dressée qui n’existe que dans ton imagination. Chaque mouvement que tu effectues pour t'équilibrer te rend à sa toilette froide. Ce n’est pas la peine d’insister sur la valeur de ce qui a pu être enduré ni simplement vécu.

dimanche, 13 avril 2008

Les bulles vivantes

Herbe-à-chat sur les balcons
Oseille au sabot des frondaisons
Le temps d’un vol de gravelot
Point déjà un soleil de bière.
Le chat safran scrute à travers persiennes
Les confins d’un muret de pierre.
Sous le banc des noces ronfle
L’époux foudroyé par le pinot.

(1989)

Poème retrouvé

Je me suis dépouillé sans détours
Pour entendre la richesse de ta voix
Mais tu ne dis mot – prise de court
Le dieu t’emporte, murmure, à travers bois.

(1989)

Blogème XXVI

C’est quand tu as fini de ronger ton os que la mort rencontre le plus sûrement la cavité de ton amour.

samedi, 12 avril 2008

Blogème XXV

Cela fait tant d’années que tu cours à travers le monde pour trouver une fontaine à ton oubli ! Mais d’abord, qu’est-ce que l’oubli, de quoi est-il donc fait ? Ni ombre ni fantôme, mais plus simplement source de l’invisible mémoire… image du soleil matinal dans une goutte de rosée… eau qui se régénère, ancienne et neuve, calme et vive, sous l’herbe où elle voyage sans bruit…

vendredi, 11 avril 2008

Blogème XXIV

Certains silences résonnent ainsi qu’un galet blanc en nous ; d’autres roulent comme des pierres aveugles à travers les strates de l’être, détruisant avec fracas toute chose sur leur passage. Ces deux silences, tu les distingueras à leur effet, tu apprendras peu à peu à les accueillir – pour les aimer – puis comment t’en affranchir.

jeudi, 10 avril 2008

Blogème XXIII

Il est des maisons où la richesse se donne à voir ; d'autres où elle tremble et reste cachée derrière les armoires. Mais partout la même vacuité habite les coeurs.

mercredi, 09 avril 2008

Blogème XXII

Qu’est-ce qui est le plus important à tes yeux ? Essaie de le définir très précisément et tâche de vivre une saison entière comme si cela n’avait jamais existé.

mardi, 08 avril 2008

Blogème XXI

Ce qu’on reçoit d’une œuvre d’art il aura d’abord fallu le lui abandonner. Accepte d’être le maraudeur et le butin, la noix et la douleur du noyer gaulé.

lundi, 07 avril 2008

Blogème XX

Plus tu luttes pour te trouver, plus cela s’éloigne, roule dans les failles de ton opacité fondamentale. Il n’y a qu’à travers tes défauts et tes effacements que tu peux acquérir un peu d’assurance. Dès lors ta vocation d’artiste prend tout son sens.

dimanche, 06 avril 2008

Blogème XIX

Lors de ta naissance, comme le monde a dû te paraître vaste… Avec tes premiers pas, il s’est encore profusément agrandi… À l’heure de l’irrémédiable clarté, au bord du noir sans retour, c’est toi qui seras devenu immense et en même temps si léger, si diminué !

Blogème XVIII

Préfère l’aveuglement au regard lorsque celui-ci gêne le passage vers l’autre rive.

samedi, 05 avril 2008

Blogème XVII

Prophète : point nodal d’agitation où l’imprudence rejoint l’impudence.

Blogème XVI

Que puis-je t’apprendre que tu ne saches déjà ? Que la lune est changeante dans le cercle de nos sanctuaires, ni trop ronde, ni trop mince, l’onde fuyante, et le plaisir ce simple éclair effacé à l’instant même de son apparition ?