Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 30 avril 2008

Blogème XLV

L’horreur absolue arrive toujours quand l’homme, par lâcheté ou manque d’imagination, n’a pas eu le courage d’envisager le pire. La littérature permet cela : de se regarder au fond des yeux, d’égal à égal, en quelque sorte, de cheminer en bonne compagnie jusqu’à l’ultime fosse du mal.

mardi, 29 avril 2008

Blogème XLIV

Il n’y a pas qu’une enfance, il y en a d’innombrables. Autant de portes d'entrée dans les restes effondrés du labyrinthe. Autant de sommeils liquides enroulés autour des obsessions des dieux.

Blogème XLIII

La facilité qu’on a de danser sur le parquet de ses erreurs !

lundi, 28 avril 2008

Blogème XLII

Par-delà les colères et les contradictions, rien n’affirme mieux le poids d’un homme que son aptitude à se réconcilier.

samedi, 26 avril 2008

Blogème XLI

Certains passent à travers le temps de façon si commode qu’il ne les érode ni ne contribue à leur mûrissement. Ils sont nés vieux tout simplement.

vendredi, 25 avril 2008

Blogème XL

Quelquefois, bouche-toi les oreilles avec de la ouate imbibée de cire, et mets-toi devant un arbre moussu, à l’ombre de la plus forte branche, là où la lumière semble se séparer de la poussière qui monte du sol ; n’est-ce pas un soulagement de ne plus entendre le son de ta propre voix ?

jeudi, 24 avril 2008

L’ardoise des jours

Il faut la pauvreté pour sonder l’instant sans réserve
Et l’aride splendeur d’un cœur trop meurtri – mais
Que peut l’enfouissement, ce désert, le silence
S'il ne s'y glisse pas un soupçon d'air, un fil d'éternité ?

(1994)

 

Blogème XXXIX

Ceux qui ne ressentent nulle crainte à rechercher la compagnie des enfants, c’est à peu de choses près qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Les jouets qu'ils tiennent dans les mains déjà tombent dans un autre monde.

mercredi, 23 avril 2008

Blogème XXXVIII

Un aphorisme résulte moins de l’expression de la vérité que d’une modalité particulière de l’attention à ce qu’il y avait au départ de plus informe en nous.

mardi, 22 avril 2008

Blogème XXXVII

Sans en être autrement fier, prends le temps de remarquer les changements qui s’opèrent en toi : les fines peaux qui se détachent, çà et là, de ton dos… les ongles et les cheveux qui poussent, poussent n’importe comment… et enfin ces douleurs articulaires qui ne sont après tout qu'une extension des fils de ton écheveau intérieur...

lundi, 21 avril 2008

Blogème XXXVI

Ne sois pas trop prompt toutefois à te dire modeste : il n’y a pas de quoi. Modeste, immodeste, deux versants de la même arrogance, de la même paresse, de la même crédulité.

dimanche, 20 avril 2008

Blogème XXXV

Bois sec, bois vert… se permettre d’élaguer, le plus bel éloge à ce qui s’écrit, parce que pour une fois la modestie n’y a nulle part...

Salon de coiffure

Tous les mois, nous allions chez le coiffeur qui vivait au château.
Il me juchait très haut, faisait la moue et se reculait
Avant de commencer à s’affairer avec ses ciseaux
Autour de mes oreilles aussi sensibles que des sonars. Mes peines
D’enfant s’envolaient à mesure que je devenais plus léger.
Un film en noir et blanc passait dans ma tête pendant qu’il cisaillait
Les mèches qui dépassaient au sommet de mon crâne.
Parfois un jeune homme apparaissait sur cet écran laissé vide
Puis s’estompait ainsi qu’une boussole incertaine
Disparaissant de l’ordre interprétable du monde sensible.
Peu à peu je sombrais dans le miroir où des poissons
Aux contours flous remuaient plus étrangement que des étoiles
Et, lorsque je parvenais à en sortir, je n’étais plus le même.

(1999)

Blogème XXXIV

Tu chemines et, cheminant, te vides lentement dans ton ombre qui se remplit de l’étrange mélasse de ton imagination.

samedi, 19 avril 2008

Blogème XXXIII

Cela n’a pas de sens d’opposer la littérature et la vie : l’une poursuit l’autre, se confond à elle à travers leurs communes illusions, et inversement celle-ci rentre sans discontinuité dans celle-là pour l’accomplir toute entière. L’une et l’autre toujours au centre de l’inconnu et nous échappant déjà plus loin devant…

vendredi, 18 avril 2008

Blogème XXXII

La lucidité absolue est le signe qui distingue du commun des mortels les parturientes et certains princes agonisants dont tout le monde tombe d’accord pour dire qu’ils ont été les pires despotes.

D’une esplanade printanière

Je sais qu’il pleut dehors et je vois que pépite
Sur la vitre un torrent si furieux qu’il désole
Un couple de bouvreuils apeurés qui débitent
Un rameau que le vent fait trembler et affole.

L’éclair s’est abattu sur un arbre si blanc
Qu’on croirait voir la neige osciller vers la vie…
Pourtant, il s’est enfui, cet hiver ; mais qu’un van
De ciel gis nous disperse en nuée - c’est la pluie !

Le dôme devenu vide et pur s’éclaircit,
La pâture verdit, explosant dans la joie.
Mais où sont nos chanteurs ? Une abeille a repris

Son labeur de commis, sans crainte d’être proie
À plus grand prédateur ; des fourmis acheminent
Le couple foudroyé ; ton verger s’illumine.

(1984)

Blogème XXXI

Ténèbres du verbe – lumière sauvage de la vie. Mais d'où alors vient cette force de recueillement que tu sens dans certains poèmes, mais seulement là, secrètement, comme une profonde mélodie, une basse continue, un ostinato qui avance les yeux grands ouverts entre la douleur du monde et la chute légère d'un chant ?

jeudi, 17 avril 2008

Blogème XXX

Certains ne sont pour ainsi dire que leur révolte. D’autres que leur soif. D’autres encore semblent descendre jour après jour en leurs plus intimes porosités. Et qui accepterait de se resserrer dans la plénitude de son propre éblouissement ?

mercredi, 16 avril 2008

À l'automne les roses

Des massifs de roses bariolent ciel et terre
Le soleil papillote au-dessus des maisons
Longeant d’un pied léger la courbure de l’eau
Le temps roule et nous porte et puis creuse son lit.

La fleur n’a qu’un printemps pour celer son fourreau
Mais nous, nul ne voudrait céder à la froidure
Un seul jour ; il faudra bien, pourtant, dire adieu
À sa femme, aux amis, à Bach et à Verlaine.

Les départs, vois-tu, c’est cette fiévreuse sève
Que nul ne soupçonnait – pas même le loriot
Ni l’enfant qui jouait au fond de la remise.

Entends-tu l’épinette, au loin, entre les haies
Les mots de la tribu ont accompli leur œuvre
Tandis que se vêtaient de taffetas les roses.

(1985)